"Une forme de détachement mêlée d’ironie traverse la pratique d’Arman, parcourant des séries qui oscillent entre le lyrisme informel et la sérialité minimale, et révélant la beauté du multiple convoqué dans l’abondance.

Si l’utilité sociale des objets s’épuise, Arman semble affirmer que leur valeur intrinsèque demeure intacte. Il peut négliger leur fonction, mais jamais leur beauté.

Le réel d’Arman est une immense vitrine, dont le premier exemple est sans doute celle d’Iris Clert, qui lui permit de créer Le Plein : une boutique de toutes sortes d’accessoires, où la présence éclatante d’objets rutilants côtoie la fatigue des choses rejetées, où le bric-à-brac déniché aux marchés aux puces ou dans les poubelles cède la place à des objets désirables que l’artiste découpe et déconstruit pour leur offrir une seconde vie. En annihilant leur fonction originelle, Arman leur confère l’éternité de l’art : une méthode de recyclage, véritable écologie paradoxale.

Ne devrions-nous pas, aujourd’hui, souligner combien Arman nous pousse à un diagnostic qui reflète l’histoire du capitalisme, combien il revendique le droit d’agir pour subvertir le piège de l’obsolescence et l’utiliser à ses propres fins ? Une “obsolescence programmée” par le recyclage esthétique, une riposte à ce que Henri Lefebvre décrivait simultanément comme “un produit de consommation” mû par la valeur ajoutée. Après le ready-made et bien avant Jeff Koons, c’est bien la question de la construction de la valeur par le pouvoir de l’esthétique qui se situe au cœur de la pratique d’Arman."

(Extrait du texte de Bernard Blistène publié dans le catalogue de l’exposition)

Le dossier de présentation de l'exposition

Commissaire : Bernard Blistène